J’ai manqué de toiles où pourchasser les lignes. Je m’en suis tenu au vent.
Arrimé sans se vouloir tenace, simplement là, j’ai autorisé ma vue à ne plus chercher. Ainsi tout somnolait de présence. Cela impliquait les gardiens de phare, les crânes aux sombres éclats d’obus. Les opulences même. Tous s’appuyaient d’une main sur la terre et je n’eus pas pitié. Je comprenais.
Je chéris cet instant où nous n’envisageons.
Et les loups même auront peur. Ils tourneront en rien. La franchise de la Lune n’y pourra. Car ce qui se montrera n’aura pas eu de face.
Cette joie : cela est juste et cela est vrai.
Partout l’herbe est plus haute qu’aux genoux. Alors nous sentons bien que nous ne craignions que des phrases.
Se tenir appuyé dans l’ouvert de la porte, savoir beaucoup plus fort : bientôt nous verrons revenir.
Honnêtement, foudre en main, marteau comme une pioche, s’abattit le silence. La table était garnie pourtant. Quelle différence ? Et nous demeurâmes, bras croisés, le peu d’une ampoule jaunie nous éveillant l’un l’autre. Je me souviens mal de ce qui n’eut pas lieu. Je me souviens toujours mal, ce dut être important.
À quelques encablures. Cela peut se jouer à si peu. Entre. Si peu.
Tôt le matin, j’employais doublement mes membres pour ne pas dépérir. Ils pesaient comme un empire en ruines que le soleil aurait rougi pour s’amuser.
La faim s’annonce large et haute entre nous deux. Puissions-nous ne pas l’évoquer.
Je ne hais pas, je tais les puissances d’en bas, qui ont promis de nous laisser tranquilles. Les puissances d’en haut ; elles s’appliquent à ne pas exister. Je ne prends la parole que de ce qui s’agite en plein mitan du monde.
Je l’ai entendu rire depuis mon lit défait, mollement couché le bras tombant. Elle devait avoir de la confiture plein la bouche. Et c’est ce « plein la bouche » qui me tient en émoi.
Le code est perdu qui faisait fi des comparaisons. J’ai lorgné tout le matin. Insister encore sur ce bout de ficelle qui pourrait nous apprendre ce qu’il en est des hauts mâts. Il n’y a pas que le bitume.
Plût à eux qu’il en soit seulement. Maigre est le lard qui graisse le poêlon, nous ne sommes pas riches en cette heure de l’espace et les invitations font blêmir quand elles ne décousent pas. Je leur proposerai la vinasse la plus terrible, une espèce de rouge - profond - qui ronge les amygdales. Eux n’oseront se plaindre car ils savent que honte faite est impropre.
Parti de rien. Fait tout seul. Il professe et cela mérite une caresse, rien que pour alléger. Un peu. Cette plainte.
À l’heure où se meurt la passion, je ne rends pas les armes, j’exécute des pratiques ancestrales qui dérivent la dérision en sérieuse entente. Ainsi point d’inimitié, bien que la tendresse devienne défaut, entre les parentés qui se séparent.
Si tout est décrit par un geste, il faut que tout soit d’un mouvement la veine. Or. Enfin nous savons bien.
J’ai toujours un visage. Ainsi on me reconnaît mieux. Cela est fécond qui désamorce la peine en dessinant chez l’autre la possibilité de soi.
Petit oiseau sur la branche méconnaît la racine.
Obtenir de ses frères et sœurs.
Particulièrement docile face à l’imitation du pinceau par la vague. C’est le début d’une étrange victoire, celle que crie le prompteur à la chaleur d’un souffle.
Je ne mangerai pas ce midi. Je n’ai pas prévu d’avoir faim.
Timides nos éclats à la bouche vermeille. Nous épurons ce qu’il y a de solide dans la chanson des astres et ne restent, alors, que des bouffées très franches, très belles, très sûres de ne pas se montrer déloyales. Varions les tessitures, rien n’est plus convenable que de changer de ton.
S’il faut encore.
Je ne m’étranglerai pas de colère, j’apporterai la bûche.
Le faux, dans cette course avec le véritable, n’est pas que rien ne convienne. Mais encore qu’il y ait des mots.
Je me dandine tel une farce bue. J’ai des critères pour toutes les épreuves. Je sens même que l’emploi de l’argenterie est beaucoup pour nous deux. C’est au plus près d’assainir ma vie de ton abondance que je me rappelle les jours passés à battre le solaire et fouler la margelle. Une foudre pour chaque sentiment.
C’est le paon qui fait la roue et l’Homme qui l’invente.
Revenez voir comme le nuage bas. Et pourtant parvient-il à ne pas toucher Terre. Épaisse langue où mûrissent les écarts d’entre les éléments, langue faible comme une chose, sensible à l’instar de la main et inconnue de toute possession.
Je rangerai les écarts. La serviette étendue est bien humide ; je dirais une larme à ton cou. Voilà pourquoi il faut de tout ce qui s’altère prendre un soin admirable, à commencer par l’amplitude de ton rire.
On ne se sépare pas, on entre en profession d’autrui.
Plutôt casanier s’il faut présenter sa gueule à la multiplicité des stèles. Plutôt reverdi par l’embonpoint d’un humain bien nourri.
Je fais mes cartons. Il traînait des équivoques vides, ne leur ai pas trouvé place. Ils reviendront au locataire prochain. Pauvre bougre.
N’être plus qu’une tuile sous la prose du ciel.
Je considère la concrétude de l’Homme, son habitat mal endimanché mais plein de convenance, comme une grande opération de dépistage dont on ignorerait la maladie cherchée. À qui faire confiance ?
Se remettre d’une poussée de rose, se souvenir d’un jour.
Quand tout aura été nudifié, eh bien nous recommencerons.
Pas trop tôt. L’exercice de la flamme. Librement. C’est librement que se peut constituer un rite aussi parlant. Alors pas trop tôt ou bien la guerre.
Je n’ai rien conçu depuis huit siècles. Et ce n’est pas une perte. La beauté, car c’est elle, ne manque jamais ; elle est toujours trop là et l’on s’en moque.
Le plaisant plaisir de se plaire à parler.
Comme tituber et ne jamais déchoir. Des kilomètres ainsi. Des tours de globe encore. Et ne jamais déchoir. Mais tituber sans cesse.
La gorge épanouie. Les sommités niées. Le plan qui détale au lointain. Dans une pénombre que seule la Lune cache. Prouesse que de se tenir là, une guitare et deux verres. Un pour l’amie, un pour celui qui vient.
Je me suis dépeuplé peu à peu.
Le fils s’est noyé. Un album et la mort. Je suis précautionneux quand je dis que c’est abominable. La connerie qu’a parfois la beauté.
J’ai déconsidéré la joie. Autant de beaux hivers qui n’auront pas mes peines.
1, 2, 3, 4, 5… Haut perché s’entonne le décompte du possible et de l’impossible. Cela rendra le temps qu’il faut.
Dire que je vais m’enlacer sans tes mains, apprendre à décomposer l’ombre de ton départ. Et survivre.
Au plus près. Toujours au plus près. Là où la souche est heureuse de vaincre la hache en son rythme.
Deux yeux que rien n’énerve que la pelure de l’injustice, cette fossette pâle plissée à l’interstice des verbes, que rien n’énerve que cette grande armistice avec le mensonge quand lui mérite toutes les armées du monde.
Et nous irons au bois d’un fruit boire la coupe. Ainsi s’achevait la chanson d’un damné. Pourquoi ?